Litière Des pistes pour économiser la paille
En 2007, la mauvaise récolte céréalière a provoqué une flambée du prix de la paille. Cette année, les tarifs sont plus modérés. En juin 2008, le Bureau commun des pailles et fourrages (BCPF) proposait les fourchettes de prix suivantes: de 10 à 18 €/t en andain et de 37 à 45 €/t en balles de qualité élevage stockées sous abri, avec une majoration mensuelle pour le stockage de 1 à 2% par mois à partir d'octobre. Sachant «que le coût de l'énergie a aussi une incidence sur les tarifs pratiqués, précise Jacques Boivin, président du BCPF, qui signale que l'envolée des prix des engrais a aussi incité les agriculteurs à enfouir la paille». Pas étonnant donc que le produit se raréfie et que des réfle
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Il n'existe pas de solution clé en main. C'est après analyse de l'existant que des solutions peuvent être envisagées.
Deux éleveurs nous livrent leur expérience en la matière:
- Patrick Planchon a remplacé l'aire paillée de ses 120 prim'holsteins par des logettes et a diminué sa consommation de moitié.
- Emmanuel Buisson utilise de la sciure pour ses 130 charolaises et il a également réduit ses achats de paille de moitié.
Téléchargez le document publié par la chambre d'agriculture de la Mayenne, en collaboration avec le contrôle laitier Mayenne Croissance, et Jean-Claude Huchon, de la chambre d'agriculture de la Loire-Atlantique: |
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Limiter la consommation
Pour certaines catégories d'animaux et le porte-monnaie, des alternatives à la paille de blé bien sèche sont envisageables.
Dans le contexte actuel de flambée des prix de la paille, toute piste d'économie est bonne à étudier. «Il convient avant tout de vérifier que les apports correspondent aux besoins des animaux afin d'éviter toute surconsommation», indique Didier Désarménien, technicien en vaches laitières à la chambre d'agriculture de la Mayenne. Globalement, les préconisations se situent autour de 10 à 12 kg par jour pour des vaches logées sur une aire paillée (voir le document à télécharger ). «Sachant que la surconsommation ne garantit pas une bonne hygiène pour autant», assure Stéphane Verscheure, technicien au contrôle laitier de la Somme. Un trop fort paillage peut être à l'origine d'une montée en température de la litière supérieure à 35°C, ce qui favorisera le développement des bactéries.
Prolonger le pâturage
Pour rester efficace, la paille doit être répartie de manière très homogène. C'est pourquoi certains éleveurs préfèrent s'astreindre de cette tâche manuellement. Il existe aussi sur le marché des asséchants de litière qui permettent d'améliorer la qualité sanitaire et de limiter la consommation de paille.
Une des premières pistes pour réaliser des économies consiste à prolonger le pâturage autant que possible. «Cela doit se faire dans la mesure où la portance des sols l'autorise», tempère Didier Désarménien, qui précise qu'il est possible de réduire la consommation de paille parfois utilisée dans la ration des génisses. Les récoltes en foin, satisfaisantes cette année, peuvent très bien prendre le relais. «Dans les rations des vaches laitières, la paille de colza, en petite quantité, peut aussi constituer un apport en fibres. L'utilisation de paille broyée permet de réduire les quantités nécessaires d'environ 15%.» Précisons que toutes les pailles n'ont pas le même pouvoir absorbant. Celle de blé étant la mieux adaptée à la litière, devant celle d'orge ou de triticale.
Il reste que pour être efficace, le produit employé doit être sec, que ce soit de la paille de céréales ou tout autre substitut disponible sur le marché. D'où l'importance de récolter et de stocker dans de bonnes conditions. Lorsque les balles sont entreposées à l'extérieur, mieux vaut les bâcher. «Mais cette solution n'est pas idéale dans la mesure où le "débâchage" peut présenter un danger», signale Didier Désarménien.
Parmi les substituts, citons la sciure de bois (lire plus bas ) ou les copeaux (à fort pouvoir absorbant). Certains utilisent aussi de la paille de colza ou de maïs, mais leur pouvoir absorbant est moins efficace que celui de la paille de céréales. Ils sont peut-être à réserver à certaines catégories d'animaux comme les génisses laitières ou les troupeaux allaitants.
Des copeaux issus des haies«En 2007, après une mauvaise récolte de paille, l'utilisation de copeaux de bois s'est révélée une bonne alternative dans le département, remarque Frédéric Moreau, conseiller en machinisme à la chambre d'agriculture de la Haute-Vienne. Une déchiqueteuse a été acquise au sein d'une Cuma. Les copeaux, issus du broyage des branches élaguées, sont répartis sur une épaisseur d'au moins 20 cm afin de constituer un lit drainant. Une bonne aération de la litière est importante pour limiter les fermentations. Certains recouvrent les copeaux d'un peu de paille mais ce n'est pas obligatoire. L'utilisation de plaquettes n'a aucune incidence sur les performances ou le comportement des animaux. Au sein d'une exploitation, nous avons évalué l'économie à 30 euros par vache, sans tenir compte de celle de la main-d'oeuvre et du carburant liée à la non-utilisation de la pailleuse.»
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L'introduction de copeaux de 3 cm ne pose pas de problème de dégradation dans le sol.
Performances. L'utilisation des plaquettes n'a aucune incidence sur les performances des animaux.
Des logettes moins gourmandes en litière
Patrick Planchon et Eric Savoye réduisent leur consommation de paille de moitié tout en améliorant l'hygiène de leurs 120 prim'holsteins.
Moins de mammites. «Le but de l'investissement est aussi de réduire les problèmes sanitaires», espère Patrick Planchon.
Un retour sur investissement de cinq à sept ans! «Ce court délai nous a vite convaincus de modifier nos installations gourmandes en paille», confie Patrick Planchon, en Gaec avec Eric Savoye à Gancourt-Saint-Etienne, dans la Seine-Maritime. Depuis le début de septembre, leurs 120 prim'holsteins sont dans les logettes qui ont pris la place de l'aire paillée. Du coup, la consommation quotidienne en paille a été divisée par deux. Les éleveurs en épandent 4-5 kg, contre au moins 10 kg auparavant. «Cela va nous permettre d'en vendre 150 tonnes dont nous n'aurons plus besoin, ajoute-t-il. A 55 €/t, cela représente une rentrée d'argent de 8.250 euros.» De quoi financer l'investissement des logettes, qui s'élève à 60.000 euros.
Produit rare
«Et je n'aurai pas de mal pour trouver des clients, pense-t-il. Les céréaliers ont tendance à enfouir la paille qu'ils produisent car les prix des engrais ont eux aussi fortement progressé l'année passée.» C'est un produit qui devient rare. Les prix ont fortement augmenté l'hiver dernier, pour atteindre 100 €/t rendu à la ferme. Aujourd'hui, il est redescendu aux alentours de 55 €/t, mais il ne retrouvera jamais son niveau de 2006, qui se situait autour de 25 €/t.
Patrick et Eric ont toujours produit la paille en quantité suffisante, avec plus de 100 hectares de céréales sur l'exploitation. Depuis le regroupement de leurs troupeaux, la consommation de litière a atteint des sommets, avec presque 12 kg par vache et par jour. Sans compter l'augmentation de la charge de travail, puisque les associés sont passés à deux paillages quotidiens, sans être satisfaits du résultat puisque les problèmes sanitaires persistaient.
Moins de mammites
«Nous traitions, tous les mois, trois-quatre cas de mammites par semaine, explique Patrick. Le taux de cellules se situait autour de 200.000 par millilitre. Sans être catastrophiques, ces chiffres nous minaient. Aujourd'hui, il est un peu tôt pour tirer des conclusions. Les résultats de septembre sont toutefois encourageants. Deux mammites seulement ont été recensées alors que les cellules sont deux fois moins nombreuses. Pour tenter de les diminuer, les deux agriculteurs avaient réduit l'intervalle de curage. «On curait toutes les trois semaines au lieu de tous les deux mois normalement en aire paillée, indique Patrick. Ce qui nécessitait entre un jour et un jour et demi de travail dès que la température prise à 5 cm de profondeur dans la litière s'élève au-dessus de 35°C. Pour corser le tout, la fin de l'hiver avait été difficile en raison de mauvaises récoltes en 2007. Nous étions un peu juste en stock», ajoute-t-il. Aujourd'hui, le paillage est beaucoup moins astreignant. Il ne s'effectue qu'une fois par jour et offre un peu de souplesse à l'organisation du travail.
Du côté des inconvénients, les surfaces bétonnées vont contraindre Eric et Patrick à surveiller de plus près les aplombs des vaches. «Nous avons prévu d'effectuer des parages», indique Patrick. Ces derniers coûtent 8 euros par paire de pattes. Des frais qu'il convient de déduire des ventes de paille!
Surplus vendu. 150 tonnes de surplus de paille vont être vendues, ce qui représente, à 55 €/t, 8.250 euros.
Simplicité. L'équipement se compose d'un poteau par bas flanc avec une barre au garrot.
Rainurage. Pour éviter que les animaux ne glissent, le sol a été rainuré.
Fumier. 4-5 kg de paille dans les logettes sont indispensables pour une bonne tenue du tas.
Coût: 60.300 euros pour 120 logettes - Tubulaires: 9.700 € - Abreuvoirs: 2.000 € - Maçonnerie: 48.600 € - 502 € par place |
Expert: CHRISTOPHE DE COLNET, conseiller en bâtiments à la chambre d'agriculture de la Seine-Maritime |
«2-3 kg de paille par vache et par jour»
«Le logement des vaches sur aires paillées est une tradition dans le pays de Bray, en raison de la proximité des céréaliers. Il n'est toutefois pas adapté aux effectifs qui dépassent 80 vaches. Dans ces cas-là, il devient difficile de garder la litière propre. Les vaches se dérangent mutuellement et les piétinements sont plus marqués. Les logettes conviennent mieux. Elles sont plus économes. 2-3 kg par jour de paille suffisent au confort des vaches. Il reste que, pour la bonne tenue du tas de fumier, mieux vaut augmenter la quantité jusqu'à 4-5 kg par jour. Tout en sachant qu'il est plus difficile de conserver une litière propre avec des rations à base d'ensilage d'herbe à cause de son taux de matière sèche. La transition d'un système à l'autre doit être mûrement réfléchie. Pour une bonne fréquentation des logettes, les normes doivent être respectées. Il faut par exemple compter une distance d'au moins 2,60 mètres pour celles placées face contre un mur afin que les vaches puissent se relever facilement. Du côté des inconvénients, les surfaces bétonnées plus importantes fragilisent les aplombs. Des tapis peuvent y être installés, mais ils ont un coût élevé, de l'ordre de 40 €/m².»
La sciure, une al ternative intéressante
Depuis 2003, Emmanuel Buisson et son père utilisent les coproduits des scieries pour réduire leurs achats de paille.
Pente paillée. Avec deux bâtiments de type pente paillée, Emmanuel Buisson réduit de moitié ses apports en paille.
Granulométrie. Une sciure plus fine permet une meilleure absorption, mais réduit le délai entre les raclages.
«Nos 180 hectares sont exclusivement en herbe, présente Emmanuel Buisson. Nous ne produisons pas de céréales.» Au Gaec Chantemerle, à Iguerande, dans la Saône-et-Loire, le cheptel souche de 130 charolaises rentre en bâtiment du 15 décembre au 15 avril. Avant 2003, Emmanuel et Jean-Paul, son père, achetaient environ 100 tonnes de paille jusque dans l'Aube et la Beauce. Après la sécheresse, il a été très difficile d'en trouver en quantité suffisante. Les deux associés ont alors décidé de se tourner vers la sciure.
Mélangé à la paille
«J'ai essayé une litière à base de 100% de sciure dans mon bâtiment à aire paillée, mais il m'a fallu curer toutes les trois semaines pour que mes animaux restent propres, se souvient Emmanuel. Aujourd'hui, je préfère l'utiliser mélangée à de la paille. Je n'ai pas de problème sanitaire et je racle à la même fréquence qu'avant 2003. Et l'économie est là. Je divise par deux mes achats de paille et n'en achète plus que 50 tonnes. En termes de pouvoir absorbant, 90 m³ de sciure me font économiser 30 tonnes de paille. J'achète deux ou trois camions de 90 m³ par hiver.» La sciure est entreposée dans le hangar de stockage, entre les bottes de foin. Elle se conserve sans problème, comme un fourrage.
«Lors de la constitution de la litière, il n'y a pas plus de contraintes qu'avec la paille, affirme Emmanuel. Au début, nous n'avions pas de pailleuse et, à la main, la sciure est plus facile à répartir. Maintenant, je la distribue avec ma pailleuse en passant derrière mes vaches, ce qui limite les problèmes de poussière. En moyenne, l'épaisseur atteint de 8 à 10 cm. Ensuite, j'effectue un autre passage pour apporter la paille. Seul bémol: je dois charger la sciure au godet, ce qui nécessite un peu plus de temps. Puis tous les deux jours, lorsque je racle, je rajoute de la sciure puis de la paille.»
Emmanuel préfère ne pas utiliser de sciure avant le vêlage ni juste après la naissance du veau. Cette pratique l'oblige à alloter ces bovins au fur et à mesure, mais aussi de mieux les surveiller. Autre avantage: le curage est plus facile, surtout sur terre battue. Le fumier obtenu est très fin et se décompose bien. Mais Emmanuel le laisse composter avant de l'épandre. «Concernant la qualité des sols, j'ai fait des analyses et je n'ai relevé aucune acidification pour le moment, note-t-il. Toutefois, la coopérative ne me fournit que de la sciure de résineux, moins acide pour les terres que celle de feuillus. De plus, les tanins des feuillus altèrent le cuir des animaux.»
Le Gaec Chantemerle possède deux bâtiments à pente paillée. «Ces types de stabulations sont, pour moi, le meilleur compromis entre économie de paille et confort des animaux. Il faut environ une botte par jour, soit 3 kg par vache et veau, contre 6-7 kg avec l'aire paillée. Je dois racler tous les deux jours, mais je surveille ainsi mieux le troupeau. Les bâtiments en logettes sont certes économes en paille, mais ils posent des problèmes de propreté des bovins.»
«A prix égal, je préfère la paille car la qualité de la litière est meilleure, conclut Emmanuel. Lorsque le coût augmente, comme en 2007, je privilégie la sciure.»
Coût: une réelle économie«Cette année, le prix de la paille est de 70 à 80 €/t, assure Emmanuel. Si on prend en compte la différence de pouvoir absorbant entre les deux matériaux, l'économie atteint 1.300 € à chaque livraison de 90 m³ de sciure.» |
Expert: AUDE BERTOUT, ingénieur à Charolais Horizon |
«Nous valorisons une ressource locale»
«En 2003, après la sécheresse, nous avons été confrontés à une pénurie de paille. Les éleveurs de Saône-et-Loire n'étant pas autosuffisants, il fallait trouver des solutions. Mon collègue, Jérôme Gordat, a alors commencé à démarcher les scieries. Aujourd'hui, sur nos quatre cents adhérents, une quarantaine d'éleveurs utilise régulièrement la sciure, majoritairement mélangée à de la paille. Cela représente à peu près 5 000 m³ par livrés par camions de 90 m³. Les éleveurs nous passent commande et c'est la coopérative qui se charge de trouver de la sciure, de discuter les prix et d'organiser le transport jusqu'à la ferme. Le tarif est unique pour tous les adhérents quel que soit le fournisseur. Notre principal souci, c'est d'avoir une demande régulière sur toute l'année. Les besoins sont ciblés sur la période hivernale. Nous essayons d'inciter nos adhérents à stocker de la sciure en été. Enfin, nous utilisons un coproduit local car nous nous fournissons dans les scieries de la région. Par rapport à de la paille que les éleveurs font parfois venir depuis la Beauce, c'est moins de transport et d'émissions de gaz à effet de serre.»
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